édition du 17 février 2008BELGRADE (Reuters) -
Les autorités de Serbie se sont engagées dimanche à mener une résistance pacifique de longue haleine après la proclamation de l'indépendance du Kosovo, mais des incidents ont éclaté dans Belgrade et à Mitrovica, bastion serbe du nord du territoire.Dans la capitale serbe, quelque 2.000 jeunes gens se sont attroupés devant l'ambassade des Etats-Unis pour laisser cours à leur colère contre le soutien américain à l'indépendance. "Le Kosovo est le coeur de la Serbie", ont-ils scandé. Certains manifestants, qui entonnaient des chants patriotiques, ont réussi à briser des vitres de l'ambassade, dont toutes les lumières étaient éteintes.
"Tuez-les et pendez-les jusqu'à ce qu'il ne reste plus un seul Albanais", ont hurlé certains d'entre eux.
Un demi-millier de policiers en tenue anti-émeutes qui protégeaient la mission diplomatique ont chargé pour les disperser. Plusieurs policiers et manifestants ont été blessés.
A Mitrovica, deuxième ville du Kosovo, dans le nord du territoire, où vit une importante communauté serbe . Des bâtiments de l'Union européenne et des Nations unies ont été la cible de jets de grenades. L'une d'entre elles a explosé sans provoquer de dégâts majeurs.
Les forces françaises de la KFOR ont préparé des barrages de blocs de béton et de barbelés pour fermer en cas d'affrontements les ponts reliant par-dessus la rivière Ibar les quartiers serbe et albanophone de Mitrovica.
Dans les quartiers nord de la ville, bastion serbe, des adversaires de l'indépendance ont déployé leurs drapeaux aux feux de signalisation. "Nous verrons ce qui se passe cette nuit. Il y aura des tas de gens armés ici", a prédit un Serbe en sortant une grenade de sa poche.
Les agences de presse locales font également état de protestations à Novi Sad, dans le nord de la Serbie, et à Banja Luka, capitale de l'entité serbe de Bosnie-Herzégovine dont certains dirigeants ont annoncé qu'ils pourraient s'inspirer de l'exemple kosovar pour faire scission du reste de la Bosnie.
"TANT QUE LE PEUPLE SERBE EXISTERA"
En Serbie, la classe politique a été unie dans l'expression de sa colère après le vote du parlement de Pristina mais a envoyé des signaux bien différents sur la façon dont l'indépendance du Kosovo influencerait les relations entre Belgrade et les Occidentaux.
Dans une allocution télévisée quelques minutes à peine après la proclamation de l'indépendance, le Premier ministre Vojislav Kostunica a dénoncé le soutien apporté par les Etats-Unis et l'Union européenne à la sécession d'une province que les Serbes considèrent comme leur berceau historique et religieux.
"Tant que le peuple serbe existera, le Kosovo sera la Serbie", a-t-il dit. "La proclamation de cet Etat artificiel sous la tutelle des Etats-Unis et de l'UE est le dernier acte d'une politique de force qui a débuté par le bombardement insensé de la Serbie (ndlr, en 1999) et s'est poursuivie avec l'arrivée de troupes de l'Otan au Kosovo", a-t-il ajouté.
Le président Boris Tadic, pro-occidental, a appelé lui au calme. "La Serbie, a-t-il réagi dans un communiqué, ne reconnaîtra jamais l'indépendance du Kosovo mais vivra cela pacifiquement et dignement." "La Serbie s'obstinera et défendra ses intérêts ainsi que le droit international, quel que soit le temps que cela prendra", a poursuivi Tadic.
Le président serbe s'est ensuite envolé pour New York où il assistera lundi à une session du Conseil de sécurité de l'Onu. Son ministre des Affaires étrangères, Vuk Jeremic, est attendu lui à Bruxelles pour y rencontrer ses homologues de l'UE.
Si Tadic souhaite distinguer la question kosovare du rapprochement amorcé avec l'UE, Kostunica insiste lui pour lier les deux dossiers.
"Tant qu'il y aura des Serbes, nous continuerons de nous battre pour le Kosovo", a prévenu de son côté Tomislav Nikolic, le dirigeant nationaliste du Parti radical serbe (SRS) battu au second tour de la présidentielle par Tadic, le 3 février.
La réaction la plus extrême est venue de l'évêque orthodoxe du Kosovo, Artemije, qui a reproché aux forces armées serbes de ne rien faire. "La déclaration du chef d'état-major, le général Zdravko Ponos, selon laquelle le Kosovo ne sera pas défendu par l'armée est une honte", a-t-il dit au quotidien Glas Javnosti. "La Serbie devrait acheter à la Russie et à d'autres pays des armes dernier cri et demander à la Russie d'envoyer des volontaires et d'établir une présence militaire en Serbie."
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