mardi 31 juillet 2007

Hommage à Michel Serrault



Après une longue maladie, le génial comédien français a rejoint les étoiles. A 79 ans, ce seigneur du théâtre et du cinéma laisse un vide immense. Sombre ou burlesque, il portait pudeur et délire en bandoulière. Souvenirs.

«La mort, la mort! Comment vivre sans y penser? Evidemment, plus j'avance, plus «ça» insiste. Mais je m'habitue. Vous pensez bien qu'à mon âge, je l'apprivoise plus que quand j'avais 20 ans. Je n'en ai pas peur. Je serais vraiment un imbécile de croire à la vie éternelle!» Avec Michel Serrault, il était permis de causer de tout. Quitte à se prendre ses crises de fou rire hoquetant ou ses bouillantes saillies colériques en pleine figure?

Taillé d'un bloc, l'homme passait pour un râleur. Il rétorquait: «Je m'exprime.» Adorait même se prêter à ce qu'il définissait comme des numéros. Un exemple typique de cet exercice revient instantanément en mémoire. Il le racontait avec verve. «J'ai baissé mes pantalons à la télé. Bruno Masure m'avait invité avec Nagui, que je n'aime pas. Son idée était de voir qui allait bouffer l'autre. J'ai pensé qu'il fallait frapper fort, que la seule chose à faire dans ces circonstances, c'était montrer son cul.» D'une pirouette, le baladin rectifiait aussi cette image d'amuseur public. «La comédie, c'est la magie qui surgit entre deux êtres qui se parlent. Ce n'est pas un numéro, contrairement à ce qu'on dit souvent de moi.» Car derrière la façade de trublion se cachait à peine un être aux profondeurs extrêmes. Ce que son complice de La cage aux folles, Jean Poiret, esquissait comme un mélange complexe de pudeur totale et de délire fou. Armé de ce bagage, Michel Serrault allait s'aventurer dans tous les territoires de l'interprétation.

Des trésors de nuances

Ses trois césars dessinent le parcours. La reconnaissance tombe avec La cage aux folles. D'abord sous forme de pièce «extensible», jouée durant cinq ans, près de 1500 fois, où, avec Poiret, l'acteur pouvait improviser et rallonger la représentation à l'infini. Puis avec le film d'Edouard Molinaro, honoré en 1979, et ses séquences mémorables. L'épisode de la biscotte reste un monument? Trois ans plus tard, Garde à vue, de Claude Miller, consacre un talent plus sombre, plus inquiétant. Il lui suffisait de bloquer son regard, de plisser les sourcils pour suggérer le pire. Un art auquel il donnera toute sa puissance dans Dr Petiot, un projet qu'il avait porté et chéri envers et contre tous. Nelly et Monsieur Arnaud, en 1995, démontre le chemin parcouru depuis ses débuts burlesques au temps des Branquignols. Complice avec le cinéaste Claude Sautet, Michel Serrault y déploie des trésors de nuances avec une exquise simplicité.

Exigence tatillonne

Pourtant, l'indomptable n'était guère facile à apprivoiser. «Je ne peux créer que dans la liberté. Ne pas se laisser bouffer par les autres, prendre le droit d'exister. Sans me mettre à leur échelle, les Michel Simon, Jules Berry, etc., ne se laissaient pas dominer.» Le réalisateur Jean-Pierre Mocky, lui aussi doté d'un fort tempérament, s'accorda très naturellement avec cette tronche trempée. Comme Jacques Deray, Etienne Chatiliez ou Bertrand Blier. Comme Claude Chabrol, qui lui offre Les fantômes du chapelier, puis, quinze ans plus tard, en 1997, son cinquantième film, Rien ne va plus. «Chabrol m'a résumé sa philosophie. La vie comporte sa gravité, mais mettons-la de côté. Prenons un coup de rouge, une cigarette, qu'est-ce qu'on fait ce soir, des côtelettes? C'est une leçon.»

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